18 heures, 3 août 1914, la guerre est déclarée

La salle est comble au mémorial de Péronne. Tous patientent avant le début de la conférence du professeur Jean- Jacques Becker.

Costume noir, cravate grise et cheveux blancs, l’octogénaire attend que les murmures et applaudissements s’estompent. Président d’honneur du centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre, l’homme connaît parfaitement son sujet. Ce soir, 100 ans jour pour jour après la Première Guerre Mondiale, la conférence intitulée « Comment en est-on arrivés là ? » retrace l’enchevêtrement d’événements qui a conduit à ce terrible accident. Un drame malheureux qui résulte d’une multitude de déclencheurs. Avec fougue et passion, Jean-Jacques Becker raconte la vingtaine d’années avant le conflit, pour permettre aux curieux de revenir sur les pas de l’histoire.

Un hasard malheureux

L’historien rentre directement dans le vif du sujet en détaillant les liens difficiles entre la France et l’Allemagne au XIXe siècle, notamment la défaite de la France à la bataille de 1871 et la perte des régions Alsace-Lorraine. Dans l’assemblée, tous écoutent avec intérêt. Assis derrière une table sur une estrade, Jean-Jacques Becker surplombe la salle et partage son savoir. Il explique que la France, alors maintenue dans l’isolement par le chancelier allemand Bismarck, se rapproche de la Russie en 1894 et du Royaume-Uni en 1904. La naissance de cette Triple Entente trois années plus tard marque un raidissement dans les relations internationales. Cette coopération militaire fait face à la Triplice (aussi appelée Triple Alliance), composée des Allemands, de l’empire austro-hongrois et de l’Italie. Le spécialiste de la grande guerre tape du poing sur la table pour ponctuer ses propos. Sans marquer de pause, il explique avec énergie que la guerre devient une possibilité dans les relations internationales. Surtout que différents points de tensions éclatent entre les belligérants, comme au Maroc en 1905 et 1911. L’Allemagne voulait alors coloniser le Maroc, contre l’avis de la France. En échange de quelques territoires congolais, l’empire germanique reconnaîtra finalement le protectorat français sur le pays du Maghreb. Cependant cette crise fera naître un fort sentiment nationaliste dans les deux pays européens.

Au début de l’année 1914 les relations sont moins tendues, les nations sont loin d’imaginer les années d’horreur qui vont suivre. L’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie François Ferdinand par un nationaliste serbe, le 28 juin 1914, fut l’étincelle qui mit le feu aux poudres. Cet attentat avait pourtant d’abord échoué. Ce n’est que par hasard que, quelques heures après l’échec de leur mission, le chef des terroristes serbes, au détour d’une ruelle, reconnut l’héritier dans une voiture. Il profita de l’occasion et le tua d’une balle. Cette seule balle entraînera la mort d’1,4 millions d’hommes et de centaines de mutilés.

Le président d’honneur du mémorial enchaîne alors sur le jeu des alliances qui conduisit les différentes nations à entrer en guerre.

Une longue salve d’applaudissements termine la conférence. Assis face au public, le spécialiste de la grande guerre peut enfin reprendre son souffle. La salle commence à se vider, une dizaine de personnes restent cependant, et sollicitent encore l’historien pour résoudre leurs dernières interrogations.

Annalena Meyer et Hélène Herman

Jean-Jacques Becker retrace les débuts de la première guerre mondiale © Gilberto Güiza

Jean-Jacques Becker retrace les débuts de la première guerre mondiale © Gilberto Güiza

3 questions à Jean-Jacques Becker

La première guerre mondiale était-elle inévitable ?

Pendant très longtemps j’aurais répondu oui. Cependant,  j’ai changé d’avis. Je vous dirais aujourd’hui qu’il était possible de l’éviter. La guerre a éclaté finalement par hasard.  Un autre évènement aurait pu la déclencher mais on ne peut pas savoir ce qui se serait passé exactement.

Le nationalisme était-il fort présent ?

Je n’utiliserais pas le terme nationalisme mais patriotisme. Effectivement c’était une expression extrêmement répandue au début du XXe siècle. Que ce soit en France, en Allemagne ou dans un autre pays, les gens étaient prêts à se battre pour leur pays.

Qu’est-ce que la grande guerre a changé dans le monde ?

La grande guerre a tout changé : sur le plan territorial, économique, des souvenirs… Elle reste l’aspect historique le plus important de notre époque. Plus importante par ses conséquences même que la seconde guerre mondiale.

 

H.H (propos recueillis par Yaëlle Kahn)