Le match le plus dangereux du monde

Pendant la première guerre mondiale, les soldats dans les tranchées découvrent le sport. L’activité physique leur permet de se changer les idées et de gagner une nouvelle motivation.

Le sport et la guerre - exposition à Ypres

Le sport et la guerre – exposition à Ypres/In Flanders Fields Museum. Image: Kirsten Richarz/Gilberto Güiza

Le premier juillet 1916, à sept heures et demi du matin, l’officier britannique Wilfred Nevill tape deux ballons de foot – c’est le début du combat le plus sanglant de la Grande Guerre. Nevill n’est pas sur un terrain de jeu, mais sur le champ de la bataille de la Somme. Il ne marque pas de but, il va mourir bientôt. Les hommes qui courent après le ballon ne sont pas des footballeurs, mais des soldats de l’East Surrey Regiment.

Ce qui semble être une histoire inventée par un supporter fou, est emblématique du rôle que le sport joue pendant la première guerre mondiale. La longue période de souffrance et misère n’est pas, comme l’on aurait pu le penser, une interruption de l’évolution du sport. Au contraire, c’est l’apparition de la pratique sportive de masse telle qu’on la connaît aujourd’hui.

La guerre de position favorise la pratique du sport

À partir de 1900, d’abord en Angleterre, l’intérêt public pour le sport grandit. Cependant, en France, les conditions de vie du peuple sont difficiles et la plupart des Français manque de loisir et de moyens financiers pour l’activité physique. Ce sont donc surtout les classes sociales les plus aisées qui s’y adonnent. Le sport est vu comme une récréation cultivée, symbolique d’un statut élevé. Pendant la guerre, beaucoup de soldats français, issus majoritairement du monde rural, touchent pour la première fois un ballon de foot.

C’est la guerre elle-même qui favorise la popularisation du sport. Entre les combats, les temps d’attente sont longs. Les hommes restent immobiles dans les tranchées, attendant l’ennemi. Les conditions de vie, terribles et misérables, troublent les soldats. Mais c’est aussi l’ennui qui torture les hommes. Le sport leur donne la possibilité de tuer le temps et de profiter du collectif d’une autre manière que dans le combat.

Dès 1915, le rugby, le football et l’athlétisme surtout, se développent sur tous les fronts. Bientôt, les officiers se rendent compte de l’effet positif du sport et encouragent sa pratique pour occuper les soldats et pour qu’ils restent en forme. De nombreux événements sportifs sont organisés pendant la guerre. La Coupe de France de football est créée le 15 janvier 1917 pour rendre hommage à Charles Simon, joueur connu et tombé au combat.

Le ballon rond se joue des tirs

Wilfred Nevill a apporté les deux ballons de foot au front, symbole connu pour son armée, pour rassurer les soldats et les dépayser de la bataille meurtrière. En tapant les ballons vers le no man’s land, Nevill combine le combat avec un élément ludique pour ses jeunes hommes.

Le 1er juillet va être une des journées les plus sanglantes de la Grande Guerre avec 20 000 de morts du côté britannique. En suivant les deux ballons de foot, l’East Surrey Regiment entre sur le terrain du match le plus dangereux du monde.

Assata Frauhammer

Pour en savoir plus: Exposition « Fairplay? Le sport et Première Guerre mondiale » au musée In Flanders Fields à Ypres, Belgique