Les montagnes sacrifiées de Bitola

Connue sous le nom de Monastir lors de la période ottomane, la ville de Bitola est la ville la plus importante du sud-ouest de la Macédoine avec ses 100 000 habitants. Elle était aussi durant la Première Guerre mondiale « l’une des plus importantes cités de cette partie des Balkans » explique Iljo Trajkovski, professeur d’Histoire au lycée Tito de Bitola.

Ainsi, Bitola et les villages environnants se sont retrouvés en  plein cœur de la guerre au niveau de la ligne de front : « Sur 22 mois de guerre, il n’y a eu que 3 jours de calme.  Entre 1916 et 1918, la faim, les mauvaises conditions de vie, les maladies ont rendu la vie des populations locales extrêmement compliquées », ajoute le professeur. D’ailleurs, Bitola fait partie des villes les plus touchées durant la Première Guerre mondiale. Avant cette période, la ville et ses alentours comptaient près de 60 000 personnes. Les deux années de conflits ont ainsi dévasté la région puisque près des deux tiers de la population a été tuée.

Le « chemin de la Première Guerre mondiale »

En visitant le site préservé de Pelister dans les montagnes avoisinantes (Pelister National Park), nous percevons les lieux où se réalisaient précisément les combats entre 1916 et 1918, dans la région de Bitola. Des tranchées encore visibles découpent le décor. Aujourd’hui, la nature a cependant repris ses droits, en enfouissant sous terre les secrets et les traces de ce passé sanglant.

Visite sentier de la première guerre mondiale

Visite sentier de la première guerre mondiale                                                           photo Virginie Favrel

Pour autant, « il fut nécessaire de conserver et d’entretenir ces vestiges de la Première Guerre mondiale », insiste le professeur. Après la guerre, le constat est glaçant : toute la forêt a été rasée par les bombardements, les coupes de bois pour les feux des soldats et étayer les tranchées : « A partir des années 1930, des arbres ont été plantés pour reboiser la zone ravagée. » Plus tard, en 2006, une fondation suisse mise sur la reconstruction du site et aménage les lieux. Un sentier de 2 kilomètres a vu le jour dans l’espoir de mettre en lumière ces lieux de mémoire et l’histoire des tranchées sur le Front d’Orient. Le « chemin de la Première Guerre mondiale » a notamment été construit pour informer les jeunes générations sur cette période de guerre en Macédoine.

Iljo Trajkovski précise par ailleurs qu’un échange franco-macédonien a été réalisé entre les lycéens du lycée Mermoz à Vire (Basse-Normandie) et  le  lycée Tito de Bitola. Une équipe d’enseignants a souhaité développer un projet de prospection archéologique, associant les lycéens français et macédoniens sur le thème de la Première Guerre mondiale en Macédoine. « L’objectif était de développer un regard croisé sur ces conflits entre les élèves des établissements concernés », ajoute Iljo Trajkovski.

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L’équipe de jeunes journalistes visitent les tranchées Photo                      Virginie Favrel

Le projet suisse du « chemin de la Première Guerre mondiale » semble néanmoins rencontrer des difficultés. Aujourd’hui, le manque d’investissement conduit progressivement le site à sa déperdition et par manque d’intérêt des autorités macédoniennes. La nature reprend rapidement sa place : pour distinguer les tranchées, il faut maintenant débroussailler à la main, et les positions de combat se comblent progressivement. La mémoire des combats violents de Pelister risque de sombrer de nouveau dans l’oubli.