Montée des tensions politiques en Macédoine

La situation politique de la Macédoine a connu en 2015 des rebondissements qui mettent en lumière les problèmes politiques et économiques de ce pays des Balkans au passé agité. 

Manifestation contre le gouvernement du 17 mai à Skopje

Manifestation contre le gouvernement du 17 mai à Skopje – Photo  Jacopo Landi

En février 2015, le gouvernement macédonien  a essuyé un scandale : l’opposition (le parti Union sociale-démocrate de Macédoine ou SDSM), menée par Zoran Zaev, a révélé la mise sur écoute illégale de 20.000 personnes par le gouvernement : des patrons de presse, des journalistes, mais aussi des ministres en poste au sein même de ce gouvernement. Les conversations ont notamment démontré les pressions exercées sur la presse (1). Nikola Gruevski, premier ministre, dément et met en cause l’authenticité des enregistrements.

Suite à ce scandale, 20.000 personnes  manifestent à Skopje le 5 mai pour réclamer la démission du gouvernement. Nikola Gruevski annonce clairement son intention de rester au pouvoir, mais le ministre de l’intérieur, celui des transports ainsi que le chef des services de renseignements ont démissionné. Des manifestations de soutien au pouvoir ont ensuite lieu en réponse à celles de l’opposition, réunissant plus de 30.000 personnes selon l’AFP.

Zoran Zaev, leader du parti d'opposition SDSM, à la manifestation du 17 mai

Zoran Zaev, leader du parti d’opposition SDSM, à la manifestation du 17 mai – Photo Jacopo Landi

Sonja, étudiante à Skopje, a participé aux premières manifestations qui ont secouées la ville : « Tout a commencé suite à une écoute précise, qui prouve que des détails du meurtre d’un jeune homme, Martin Neskovski, battu à mort par un policier en 2011, ont été modifiés afin de couvrir la police. Nous nous sommes réunis spontanément pour réclamer la démission du gouvernement, les gens se sont mobilisés sur les réseaux sociaux. C’était une atmosphère d’indignation » explique-t-elle. « L’opposition s’est ensuite appropriée le mouvement, le 17 mai, pour protester contre le VMRO (parti au pouvoir). À partir de ce moment, ça a pris une réelle tournure politique. J’ai d’ailleurs arrêté de participer aux manifestations car il ne s’agissait plus seulement de demander justice, on s’impliquait dans la politique. »

22 morts à Kumanovo

Le 9 mai, nouveau pic de tension : à Kumanovo, dans le nord de la Macédoine, des affrontements ont lieu entre la police macédonienne  et des « insurgés » albanais (selon le gouvernement macédonien). Le bilan est très lourd :  22 morts, dont huit policiers, et 37 blessés. Des maisons entières sont brûlées, percées de balles, et les dégâts matériels importants. L’événement est relayé par la presse internationale.

Maisone détruite pendant les combats à Kumanovo

Maison détruite pendant les violents combats du 9 mai à Kumanovo – Photo Jacopo Landi

Ismael et Asis sont commerçants dans le centre albanais de Skopje. Le premier parle un peu français, et traduit les propos de son ami, mais leurs idées se rejoignent : « Kumanovo, c’était du business politique : c’est une manière de détourner l’attention des problèmes politiques et économiques du pays. Notre gouvernement fait toutes ces statues, et ces nouveaux bâtiments pour détourner l’attention de tous les autres problèmes. Notre peuple souffre et ils ne font rien. »

Face à la mobilisation générale, le gouvernement a concédé l’organisation d’élections anticipées, qui auront lieu en avril 2016. Sonja n’est pas dupe : « Même si Nikola Gruevski ne peut plus se présenter en tant que premier ministre, je pense que son parti sera de nouveau à la tête du pays. Car peu ici votent contre eux, de peur de subir des pressions ou de perdre leur travail. »

Un enquêteur irlandais, donc « neutre », a été nommé avec la médiation de l’Union Européenne. Aujourd’hui, les manifestations ont cessé, mais le peuple macédonien attend dans un climat pesant le dénouement de la situation, en avril prochain.

 

(1) La Macédoine figure dans les derniers pays du classement mondial 2015 de la liberté de la presse selon Reporter sans frontières, avec une 117ème place sur 180.

*Le nom a été changé.

 

Anna Lefour