EDITO : Morts pour la patrie, morts pour rien?

Des cadavres entassés sous nos pieds. Des milliers de litres de sang versés. Des estropiés, des borgnes, des sourds, des aveugles.  Des bras, des jambes, des côtes, des crânes qui ne retrouveront jamais leur propriétaire.

Des hommes envoyés à l’abattoir pour gagner un mètre de terrain. Frigorifiés, affamés et morts de peur. Deux choix : le combat ou être fusillé.

10 millions de morts.

Une culture de l’héroïsme, du patriotisme. Pourquoi ? Défendre son pays ? Pour qui ? Protéger sa famille ? Contre l’envahisseur, le méchant Allemand cruel et prêt à tout pour tuer. Prenant des femmes et des enfants comme bouclier. Agitant le drapeau blanc pour attaquer en traître.

Des hommes qui fraternisent à Noël. Pour se tirer dessus de plus belle le lendemain.

Des femmes se rongeant les ongles en attendant des nouvelles du front. Plus tard, des femmes hurlant de douleur à l’annonce de la perte de l’être cher.  Sans savoir où est le corps, sans pouvoir faire leur deuil. Des années d’inquiétude viscérale pour apprendre le pire.

Aujourd’hui encore, on retrouve des corps. Aujourd’hui, des familles peuvent enfin faire le deuil.

Aujourd’hui, on se souvient. Allemands et Français se rencontrent et parlent de la guerre. Leurs ancêtres se ressemblaient finalement. Dans les mêmes conditions, deux camps s’affrontaient pour des raisons que les soldats ne pouvaient expliquer.

Aujourd’hui, on tente de tirer les leçons du passé. Se souvenir et aller de l’avant. Ne rien oublier, tenter de pardonner et progresser. Commémorer les victimes de l’égo de certains, de la stupidité d’autres, et de l’inconscience des derniers.

Parce que cette guerre a bouleversé le monde. Parce que cette guerre paraît impossible, aujourd’hui, en France. Et pourtant, l’horreur s’est juste déplacée.

Hélène Herman

 

Sur les pas d’Albert Londres, les jeunes se souviennent.

Une illusion de protection contre la mort © Gilberto Güiza

Une illusion de protection contre la mort © Gilberto Güiza