Reconstruire sans oublier

La guerre a été horrible et a laissé des traces indélébiles. Pourtant, dans les villages situés sur l’ancien front français, les hommes et la nature ont réussi à reconstruire un paradis. Jean-Pierre Boureux nous fait visiter son havre de paix sur la falaise de Paissy.

Jean-Pierre Boureux réside à Reims et se rend à Paissy tous les week-ends. Il y a 11 ans, cet archéologue à la retraite est tombé amoureux de ces immenses cavernes orangées, appelées troglodytes. Creusées il y a plus de 10 siècles pour en extraire le calcaire, ses grottes ont été le témoin des événements de l’histoire.

Alors qu’en 1914, les bombes, les obus et les canons grondaient et menaçaient le village jours et nuits, aujourd’hui seule la voiturette du facteur vient troubler le calme plat de la campagne. Dans le domaine des Boureux, les parfums enivrants du romarin ont succédé aux odeurs fétides des soldats blessés.

Dès les premiers mois de la guerre, les poilus ont compris l’intérêt des grottes. Profondes, spacieuses, faciles car déjà construites, elles étaient le meilleur des abris. Au fond du jardin, dans le recoin de l’une d’elles, certains avaient creusé un tunnel, qui permettait de monter à la surface et de sortir sans être vu de l’extérieur. A présent, Jean-Pierre Boureux utilise l’endroit frais pour cultiver des endives et conserver des bulbes de dahlias. Près du tunnel, des jouets d’enfants entassés contrastent avec le vestige de cerclage de roue d’une pièce d’artillerie lourde. En hauteur, un large cratère d’obus laisse passer la lumière. Dans un recoin surélevé de la plus grande grotte, l’ancien professeur a établi sa salle de lecture . Une chaussure de poilu côtoie des mosaïques décoratives et des symboles historiques. Car l’Histoire se rappelle à notre bon souvenir. Difficile pourtant de réaliser que cet endroit paisible se trouve sur l’ancien front.

Et la Grande Guerre n’est malheureusement pas le seul  conflit que ce décor romanesque ait connu. Dans l’une des entrées, un soldat a gravé son nom suivi de 1918. Juste en face, un autre y a inscrit 19…40.