Viscri espère et craint les touristes

Village de Viscri en Transylvanie

L’église de Viscri existe depuis 791 ans. Symbole de l’histoire et de la culture saxonne, ce patrimoine culturel aujourd’hui très visité a bien failli disparaître. Plusieurs fois assiégé par des envahisseurs, ce site touristique cherche à limiter l’affluence touristique. À 40 kilomètres au sud de Sighişoara, dans la commune de Bunești, une route de terre traverse les champs.

Placées presqu’en quinconce, des maisons couleur pastel en très bon état sont alignées les unes à côté des autres. Au centre, une rue principale, où traversent des charrettes, du bétail ou de simples animaux laissés en liberté. Bienvenue au village de Viscri, à proximité de son « église blanche », construite il y a 791 ans.

Sous un un soleil vif, trois cigognes, confortablement installées dans leur nid, trônent au dessus d’une cheminée. Elles guettent les nouveaux arrivants à l’angle d’une rue adjacente. Ce décor de carte postale illustre un arrêt dans le temps, voire une rupture avec le modernité.
 Les quelques voitures disposées au début de l’entrée du village se comptent sur les doigts d’une main, et indiquent la présence de touristes.
 Ces derniers convergent vers la plus ancienne église luthérienne de Transylvanie, située au bout du village. Reconnue au patrimoine culturel de l’UNESCO depuis 1999, ce monument a été construit en 1225.

Ce peuple a subi de nombreuses invasions

À l’origine, plusieurs communautés d’Europe de l’ouest venues principalement de Rhénanie et du Luxembourg. La paroisse, aussi appelée « l’ église blanche » ou « Weisskirch » en allemand, témoigne encore aujourd‘hui de l’impact de leur culture en Roumanie. 
Du XIIe au XXe siècle, ce peuple a subi de nombreuses invasions, notamment celle de l’Empire Ottoman entre le début du XVIe siècle et la moitié du XVIIIe. Après la Seconde guerre mondiale, l’avènement du communisme s’est traduit par une politique de discrimination envers les habitants d’origine allemande. Nombre d’entre eux ont été obligés de quitter leur village (lire encadré).

La vente des Allemands par les RoumainsLoin de créer une scission entre les nouveaux arrivants et les autochtones restés sur place, ces communautés se sont organisées afin de préserver le patrimoine culturel et matériel de la commune. À l’origine de cette initiative, Carolina Fernolend, une femme issue de la communauté saxonne qui a décidé de rénover le vestige sacré et le village. En 2000, elle a contacté la fondation Mihai Eminescu, avec pour objectif de permettre aux habitants de vivre décemment, tout en respectant  le patrimoine local.

Le tourisme apporte des revenus supplémentaires

Les habitants étant souvent d’origine modeste, le tourisme apporte des revenus supplémentaires à la commune, qui ne fait pourtant aucune publicité. La plupart des touristes connaissant les lieux grâce à un ami ou auprès avoir consulté un guide touristique.

L'église luthérienne de Viscri

Moustafa, originaire de Metz  (Moselle), a fait le voyage jusqu’en Roumanie afin de pouvoir assister au mariage de sa filleule. Baroudeur, il a profité du fait d’être sur place avec son épouse pour pouvoir en apprendre davantage sur le pays. « Ma fille est déjà venue ici : elle a connu ce lieu en lisant le Guide du Routard. Comme elle sait que ma femme et moi avions à cœur de découvrir ce pays, elle nous a conseillé de venir ici » raconte-t-il très simplement.

« Découvrir quelque chose de différent »

Français, Hongrois, Roumain, les origines des visiteurs sont diverses. 
Plus loin, un jeune couple d’origine danoise a fait le voyage depuis la Bulgarie. « Je viens de finir un programme Erasmus avec mon école d’architecture. Ce voyage jusqu’ici me permet de découvrir quelque chose de différent et de ne pas faire de tourisme ordinaire », explique Jim, 35 ans.
 Alternant entre nuits à l’hôtel et soirées au camping, il a connu l’église de Viscri en consultant le site touristique Lonely Planet. Accompagné de sa petite amie, Marie, les deux tourtereaux se sont donnés trois semaines pour visiter certains pays d’Europe de l’Est. « On a l’intention de visiter la Bulgarie, la Roumanie, l’Ukraine et la Pologne » dit-elle d’un air ravi.

Entretemps, les heures de visites se sont écoulées. La petite foule auparavant réunie dans la chapelle se dirige maintenant vers la sortie avant de se disperser dans la rue. Le cadre simple et naturel reprend ses droits.

Johanna KAYA