Dans le cimetière des Poilus oubliés du Front d’Orient

En 1915, Albert Londres publiait ses reportages sur les troupes alliées dans les Balkans. Notre visite au cimetière militaire français de Skopje nous met face aux soldats tombés dans la région, il y a cent ans. 900 tombes et près de 3000 soldats inconnus enterrés sous cette terre. Ce silence solennel et l’imposant paysage montagneux en arrière plan nous saisissent. Vasil Nikoloski est le gardien de ce lieu de mémoire. Depuis 25 ans, il entretient et préserve les tombes des soldats français disparus dans la région. Et le rôle semble se transmettre de génération en génération chez les Nikoloski. En effet, l’oncle de Vasil occupait déjà cette fonction avant lui. « Le cimetière a été construit entre 1923 et 1926 pour rendre hommage aux soldats français morts à Skopje et aux alentours. » Tout en insistant sur le fait que « la France a joué un grand rôle pour libérer la Macédoine des Bulgares et qu’il était essentiel pour les Macédoniens de rendre hommages aux Français. » Le cimetière de Skopje est d’ailleurs considéré « comme l’un des principaux cimetières militaires français du pays », avec celui de Bitola. En revanche, cet aspect de la première guerre mondiale « est très peu connu de la population macédonienne. Les français ignorent également beaucoup l’histoire du Front d’Orient. » 

cimetière Skopje

L’équipe de jeunes journalistes en reportage au cimetière militaire français de Skopje                                  Photo Virginie Favrel

« Les relations culturelles entre la France et la Macédoine permettent ainsi de refaire vivre cette histoire et ses vies tombées dans l’oubli. C’est un conflit qui n’appartient pas aux populations macédoniennes. Le cimetière militaire français témoigne de cette volonté de rendre hommage notamment aux soldats français morts sur le front d’Orient », explique Sébastien Botreau-Bonneterre, attaché de coopération à l’ambassade de France en Macédoine.

L’un des quatre fronts de la première guerre mondiale

Le front d’Orient constitue l’un des plus grands front de la Première Guerre mondiale sur le continent européen. Sur près de 400 kilomètres, celui-ci s’étend largement : de la mer Égée à l’est à la mer Adriatique, à l’ouest. Des troupes françaises, britanniques, serbes, russes, portugaises, vont être engagées sur ce théâtre entre 1915 et 1918.

Front d'Orient

L’offensive finale dans les Balkans en 1918 (de septembre à novembre 1918)

Au total, près de 400 000 soldats français combattront sur ce front. Entre décembre 1916 et mai 1918, les effectifs passent de 56 000 hommes à un maximum d’environ 225 000. Les troupes sont formées essentiellement d’unités métropolitaines avec également une proportion de soldats africains (Maghrébins et Sénégalais) plus importante que sur le front français et qui s’élève à 18 % de l’effectif total, selon le ministère de la Défense.  Au cimetière de Skopje, la présence de tombes de soldats africains permet également de rendre hommage à ces hommes,  et l’on repère aisément des sépultures coiffées du croissant de l’Islam.

La rupture du front de Macédoine en septembre 1918 a précipité la défaite des Empires centraux, en provoquant la capitulation en chaîne de la Bulgarie, de la Turquie et de l’Autriche. Voyant sa frontière du sud de l’Europe s’effondrer, et sous la pression des Alliés en France,  l’Allemagne capitule à son tour quelques jours plus tard.

Manon Mercier