La guerre des tympans

A l’occasion du centenaire de la première guerre mondiale, l’Historial de Péronne dans la Somme présente jusqu’au 16 septembre une exposition riche en documents, mais aussi en sons de guerre encore inconnus du grand public.

11ème batterie du 45ème régiment d'artillerie de Sainte-Barbe, 1915

11ème batterie du 45ème régiment d’artillerie de Sainte-Barbe, 1915
Photo : Y.Medmoun

« Jamais nous n’avons entendu autant de bruit », fait dire Léon Werth à son personnage Clavel, un soldat de la Grande Guerre*. Le son des obus, des tirs, des cris et de la terre qui tremble. Voilà comment les tympans des soldats ont été traumatisés durant quatre longues années, certains sont devenus fous pour cette raison. Mais pas seulement. Le silence, le vent, la pluie ont également fait partie du quotidien du front. Selon Frédérick Hadley, attaché de conservation franco-américain et spécialiste de la bataille de la Somme, « ce son industriel et métallique est la première expérience de la guerre pour les soldats d’origine rurale. Il faut imaginer ce que ces jeunes gens pouvaient ressentir de terreur assourdis par ce vacarme incessant ».
De fait, d’un coup, ça siffle, ça explose, ça se fracasse tout près. On entend des grincements sinistres, les croassements lugubres des corbeaux.
La guerre connue par les récits mais aussi par les documents et photographies récupérés, trouve une nouvelle dimension avec cette exposition  Entendre la guerre. Si les musiques et les chansons sont d’époque, les sons de guerre « dont il n’existe aucune trace », ont été reconstitués à l’Historial.

Silence de mort et bruissement de la vie

L’exposition découpée en deux parties, « les sons qui sauvent », comme dirait Frédérick Hadley se retrouvent dans la plus grande salle. Des concerts, du jazz, des chants patriotiques et populaires comme La Madelon ou Je cherche après Titine mais aussi le silence sont à écouter. Dans l’autre salle, l’ambiance est à l’émotion et au deuil. « Les sons qui tuent ». En s’adossant le long d’un mur blanc, le visiteur ressent physiquement le choc des ondes. Le bombardement laisse place au silence de mort et à la froide brise d’hiver. Ce nouveau sens mis en émoi, chacun peut désormais s’imaginer plus précisément le calvaire auditif des soldats mais aussi le côté plus joyeux des musiques qui auront alimenté leur quotidien. Pour Frédérick Hadley, « le son donne un côté sensible à la guerre et on retrouve une dimension jusque-là perdue ».

Marie Zinck

* Clavel Soldat, Léon Werth, Editions Viviane Hamy, 384 pages, 1993.

Exposition « Entendre la Guerre », du 27 mars au 16 novembre 2014.
Historial de la Grande Guerre
Place André Audinot à Péronne
Tél : 03.22.83.14.18

 

Pour plus d’informations, consulter la bande-son réalisée par Thibaud Roth.