Mémorial des victimes du communisme d’Aiud : Le symbolisme architectural et historique de son église

Dans la continuité du cimetière « des esclaves de Rapa Robilor » (ancienne fosse commune des opposants au régime), un monastère en hommage aux martyrs politiques du communisme est en construction dans la ville d’Aiud depuis 2010. À initiative de ce projet, Justin Pârvu, un ancien moine militant emprisonné durant seize ans dans un camp de concentration de la ville de Periprava.

Bénéficiant principalement de contributions municipales, de dons privés voire de legs d’anciens prisonniers relâchés après la Révolution, ce mémorial réveille par son architecture les blessures du passé communiste de la Roumanie et l’héroïsme d’opposants minoritaires engagés.

Mur de briques rouge du Mémorial des Victimes du Communisme d'Aiud

Vue à l’horizontale, le ciment qui traverse les briques rouges symbolise les anciennes clôtures qui emprisonnaient les prisonniers anti-communistes. Quant aux débordements verticaux du ciment, ils symbolisent les larmes des persécutés.
(c) Pétronille TOFIDJI

À première vue, les bâtisses semblent vides et informes. Les édifices en béton encore inachevés enferment autour de ceux qui y entrent une atmosphère froide. Le silence calme et pesant à l’intérieur comme, à l’extérieur de l’entrepôt présage un microcosme différent du monde urbain qui l’entoure.

Après avoir traversé le chantier, une église blanche entourée d’un mur de briques couleur corail se dévoile sous les yeux des visiteurs. La couleur chaude de la paroi indiquerait-elle que la grâce des lieux se trouve ici : dans cette autre partie du terrain ? Pas le temps de méditer sur cette question, la visite commence à peine.

Au cœur du domaine, un sol incrusté de 180 000 pierres des montagnes transylvaines, toutes issues de la région de Braşov. Symboles de la vie d’errance des opprimés, ces dernières ont été amenées sur les lieux afin de rendre hommage aux anciens opposants politiques du pays. « À l’époque, pour éviter d’éventuelles représailles les réfugiés se cachaient dans les collines : le seul endroit où ils n’étaient pas soumis aux lois humaines. Raison pour laquelle, la montagne est devenue un symbole de résistance et évoque pour nous la valeur de ces marginaux autrefois persécutés », explique le Père Augustin principal évêque du monastère. Le marbre bulgare qui encercle ces pierres forme des vagues.

Église du Mémorial des Victimes du Communisme d'Aiud

En construction depuis 2011, le monastère de Ripa Robilor est situé à la périphérie de la ville d’Aiud. Dessiné par l’architecte roumain Radu Mihăilescu, le monastère de Ripa Robilor est en construction depuis juillet 2011.
(c) Pétronille TOFIDJI

Selon les prises de vue et les lectures choisies, l’église initiale peut aussi prendre la forme d’un bateau. La croix de l’édifice se transformant en mât. « C’est l’Arche de Noé ! Les animaux qui y été anciennement réfugiés se sont transformés en des êtres humains qui voulaient défendre leur liberté. Ces gens, comme Noé ont résisté et ont persévéré dans leur combat en dépit des bons et des mauvais temps », dit-il. La poétique de l’architecture du lieu et les références bibliques sont sans cesse ponctuées par l’histoire cinglante du pays.

Des croix en métal noir petites et grandes, penchées comme sur les pentes d’une colline entourent l’église. Au-dessus d’elles, plusieurs fils barbelés les étouffent. « Même si ces clés de compréhension peuvent parfois heurter la sensibilité du public. Il est important pour nous que nous ne falsifions pas la vérité. Les victimes étaient aussi bien des adultes qui s’opposaient au communisme que des enfants qui tentaient d’aider leurs parents. Les fils barbelés évoquent autant la violence qu’ils ont subi mais aussi, leur unité dans la mort », résume le prêtre.

Encadré Mémorial des Victimes du Communiste à AiudMême si les liens entre combats humains et religieux sont tangibles, les connivences d’autrefois entre le pouvoir communiste et l’église orthodoxe font de ce projet engagé un sujet très sensible au sein de la société roumaine. À tel point que les deux murs qui cloisonnent l’église établissent une nette distinction entre l’élévation du monde spirituel et la cruauté humaine.

Sur le chemin de la sortie, dans le couloir qui mène entre les futures bibliothèque et salle de cinéma se trouve un sycomore. Symbole de régénération divine dans l’Ancien Testament, il est devenu pour les roumains le signe d’une résurgence de leur foi et montre par-là, qu’en dépit du passé et de ces contradictions la religion orthodoxe reste au centre de leur culture.

Par Johanna KAYA